Atelier destiné aux comédiens

Le théâtre de Jean Tardieu : Des voix à jouer

dirigé par Anne Mazarguil & Jérôme Cusin
compagnie Le Fleuve Caché et L'Esperluette


« J'ai toujours aimé le silence qu'elle répand autour d'elle : il est comme animé de paroles mystérieuses que l'oreille n'entendrait pas mais que l'âme comprendrait. »
Oswald et Zénaïde.

Aura lieu à L'Esperluette au 3 sente des Dorées Paris 19e, M°Porte de Pantin (ligne 5) Tous les mercredi du 17 février au 21 avril 2010 de 10h à 15h30 + une séance d'enregistrement Audio. Inscription : lesesperlus@gmail.com / 01 42 00 50 17.
  • Le théâtre de Tardieu est inclassable. Ses pièces, toutes écrites en un acte, font chaque fois l'objet d'une recherche esthétique spécifique. Aucune n'obéit en particulier à la dramaturgie d'un genre précis et pourtant toutes travaillent sur la tradition théâtrale et sur la convention.

  • Conceptuel, pictural et musical, le théâtre de Jean Tardieu nous offre de véritables tableaux à jouer où, à l'instar de Picasso, le réel déstructuré nous apparaît simultanément morbide, ludique et fantastique. Un régal pour l'acteur, un privilège pour le spectateur, qui seul peut saisir le sens caché de tous les échanges sonores que produisent les êtres humains depuis qu'ils se parlent et ne se comprennent pas !

  • Très construite bien sûr, l'écriture de Jean Tardieu n'en est pas moins organique : elle est celle d'un homme qui, toute sa vie a cherché à entendre ce que les mots taisent et ce que la mémoire oublie ; autrement dit, à transcender, par son art, les limites émotionnelles et intellectuelles de notre capacité à percevoir la réalité et, par conséquent, l'incapacité de l'homme à se représenter lui-même.

  • L'homme, le fait même d'exister, est évidemment le grand sujet de notre auteur : « To be or not to be ? ». La question est abyssale, tragique, désespérée, absurde peut-être, mais Hamlet se la pose encore et comme lui, chacun cherche à y répondre. L'homme, cet animal étrange, pense et émet des sons pour exprimer sa pensée, des sons qui forment des mots, qui eux même produisent des idées, des idées qui établissent des liens entre elles, qui s'élaborent et se constituent sous la forme d'un langage articulé, fait de sons, harmonieux ou dissonants, syncopés ou étirés, aigus ou graves, et qui remplissent le silence inexprimable.

  • C'est en explorateur, et non comme interprète que nous vous invitons à aborder les personnages de Tardieu qui, bien qu'ils nous ressemblent de près, ne peuvent en aucun cas nous être accessibles par le simple processus d'identification : ce sont des voix que l'auteur nous confie, des entités sonores que seule l'oreille musicale est apte à reconnaître et à comprendre.

  • La psychologie du personnage ne sera donc pas ici le point d'ancrage de notre recherche et l'analyse de la situation ne le sera pas non plus. Nous y perdrions notre temps et notre latin. C'est en nous attachant à considérer le texte comme une partition musicale, que nous travaillerons à découvrir intimement nos personnages et la situation dans laquelle ils se trouvent.


  • Mais avant tout, nous passerons par des exercices vocaux qui nous permettrons de nous écarter d'un jeu naturaliste, qui trop souvent limite le sens à l'évidence convenable du dialogue triviale et bourgeois qui ne dérange personne. Nous nous efforcerons de rendre concrètement sensible et intelligible la partition musicale en assumant avec excès et gourmandise nos propositions de comédiens créateurs de sons et par conséquent de sens.


Suite à l'atelier que nous avons animé, l'année dernière, nous souhaitons poursuivre notre recherche sur quatre pièces.


Travail proposé par Anne Mazarguil
La sonate des trois messieurs (ou pour trois dames si vous voulez) : ce morceau est très technique. C'est pourquoi, je souhaite que nous l'abordions simplement en lecture, en travaillant tour à tour la partition de chaque personnage. L'objectif sera de travailler le texte comme une partition sonore, de passer d'un rôle à l'autre comme si l'on changeait d'instrument, et de travailler le mouvement général du texte comme une chorale.

Le guichet : cette pièce est une quête de sens et ne peut se jouer que sur la fragilité de la relation, donc sur l'écoute et la respiration du comédien. Elle est très longue. Nous l'appréhenderons donc étape par étape, en nous relayant les autres, prenant en charge l'un ou l'autre rôle, changeant de partenaire, afin de stimuler notre capacité à nous rendre disponible, à nous mettre en situation. L'objectif sera à chaque fois de jouer la pièce comme une traversée, dont on ne sait rien au préalable.

Il y a avait foule au manoir : C'est une pièce qui relève du polar. Une sorte de « cluedo ». Ce sont des monologues. J'aimerais que chaque participant prenne en charge un ou deux personnages et fasse son enquête. « Que s'est il passé ? » : chez Tardieu, c'est une vraie question.


Travail proposé par Jérôme Cusin
Mise en scène radiophonique sur la pièce Les Oreilles de Midas tiré du recueil Une soirée en Provence ou le Mot et le Cri. Nous explorerons les différentes techniques du comédien dans le cadre d'une mise en scène collective radiophonique ; l'objectif sera de partir à la découverte spatiale du son et du sens du théâtre de Jean Tardieu. Je souhaite que chaque participant travaille tous les personnages de la pièce en vue du bon déroulement de la lecture enregistrée (il n'est pas demandé de connaître le texte par cœur). Nous travaillerons sur la fabrication de sons (bruitage), aussi sur différentes techniques de prises de son, et sur la musique concrète et la technique de contrepoint, ceci afin de créer notre œuvre sonore.